l\'As de Bique

l\'As de Bique

Techniques de fabrication.

Techniques de fabrication.
Comme nous l’avons vu dans la classification des fromages de chèvre, il existe
deux grands schémas de fabrication : le caillage mixte à caractère lactique et le
caillage type présure. Nous allons voir que ces techniques permettent d’obtenir des
produits différents.
Caillage mixte à caractère lactique.
a) Les paramètres de fabrication [Corcy, 1991].
La compréhension du processus passe par le contrôle des deux facteurs
essentiels : l’acidité et la température du lait à l’aide, respectivement, d’un acidimètre
[Le Mens, 1985] et d’un thermomètre. Le contrôle des contaminants qui sont à
l’origine des accidents de fabrication peut également être réalisé avec l’aide des
laboratoires d’analyse.
-La maturation : juste après la traite, le lait est filtré, en complément des
mesures d’hygiène relative à la traite. Ensuite vient la maturation : c’est le temps utile
à la multiplication des bactéries lactiques génératrices de l’acidification du lait par la
transformation du lactose en acide lactique. Elle a deux rôles : permettre le
développement des ferments lactiques et aider à l’action de la présure. Pour cela, on
apporte du sérum (petit lait) ou des ferments du commerce, qui sont extraits et
sélectionnés en laboratoire et diffusés sous forme lyophilisée, liquide ou congelée.
-La présure : extraite de la caillette du jeune veau par macération, elle se
compose de deux enzymes, la chymosine et la pepsine. Mélangée au lait, son action
sur la caséine κ, entraînera une floculation du lait, puis la formation par le calcium
d’un bloc gélatineux et homogène. La rapidité et la qualité de la coagulation
dépendent de la température (entre 18 et 25°C), de l’acidité (23 à 26°D maximum),
de la taille des micelles (altération au cours d’un refroidissement trop long à 4°C) et
de la dose de présure. Plus la dose augmente, plus le temps de coagulation sera
court. Cette dose dépend de la force de la présure :
- présure 1/10 000 de 6 à 10 mL pour 100 litres de lait ;
- présure 1/2500 de 24 à 40 mL pour 100 litres de lait ;
- présure de chevreau ou Grandine de 18 à 30 mL pour 100 litres de lait.
Par ailleurs, il vaut mieux emprésurer dans de petits volumes (10 à 20 litres)
dans des bassines plastiques rectangulaires pour un nettoyage facile et de faible
hauteur (de 20 à 30 cm) pour un caillé homogène grâce à une température stable
dans le bac.
b) Les phases de fabrication [Corcy, 1991].
-Le caillage : la solidification des micelles, ou caillage, forme un gel compact
emprisonnant le sérum. Le temps de coagulation varie de 12 à 36 heures. Pour
l’organisation du travail, on s’en tient usuellement à 24 heures pendant lesquelles la
température devra être maintenue pour permettre l’acidification du caillé
indispensable au moulage [Gobin, 1991]. On utilise deux procédés :
- le caillage en salle d’égouttage. Les températures de la salle et du lait
devront être les mêmes : période froide 21-22°C et période chaude 18-
19°C ;
- la coagulation dans une armoire de caillage. Elle permet de maintenir un
petit volume à une température correcte avec peu de frais : matériaux
isolants et lampe de 150 à 200 watts avec un thermostat.
-Le moulage-égouttage : facteur d’égouttage, le moulage consiste à une mise
en forme dans des moules ou faisselles dont découlera l’aspect extérieur et la forme
du fromage. L’acidité moyenne du sérum au moulage est de 55 à 65°D. L’aspect du
caillé doit être lisse sur le dessus avec quelques fissures (de 2 à 3), présenter une
pâte très légèrement granuleuse et, superficiellement, 1 ou 2 cm de sérum [Gobin,
1991]. En fabrication de type lactique, on pratique :
- le moulage direct;
- le moulage avec pré-égouttage dans des toiles ou sacs de toile, dont la
durée varie de ¼ d’heure à 24 heures.
Le moulage en multi-moules permet un gain de temps sur les phases de
moulage et de retournements. Il s’utilise aussi bien en moulage direct qu’en préégouttage.
-L’égouttage et le retournement : à ce stade de la fabrication, l’égouttage est
spontané. Il permet d’évacuer le sérum excédentaire. Deux facteurs entrent en jeu :
- la synérèse : phénomène de rétraction de la coagulation présure,
dépendante de la teneur en calcium et en matière protéique ;
-l’acidification dont découle la formation d’un caillé poreux facilitant
l’extrusion du sérum.
Pour un fromage de bonne présentation (faces régulières, sans trous), le
fromager pratiquera un retournement de 7 à 8 heures après le moulage, favorisant
ainsi l’égouttage dans le moule [Gobin, 1991]. C’est en pratiquant que le fromager
acquiert le « coup de main » nécessaire à l’opération.
-Le salage : apparemment simple, le salage joue un rôle majeur sur quatre
plans :
- complément d’égouttage ;
- formation du goût ;
- formation d’une croûte sous l’aspect d’une pellicule fine et dure ;
-sélection microbienne.
Il s’effectue par saupoudrage à la main de sel fin alimentaire.
-Le ressuyage et le séchage : ce sont deux phases qui se rejoignent dans le
but de compléter encore l’égouttage. Le ressuyage consiste, après démoulage des
fromages, à les stocker sur des grilles inox ou plastiques. A cette phase commence
le travail des levures et des moisissures. Pour cela, les fromages sont entreposés, de
12 à 24 heures en période chaude, et de 24 à 36 heures en période froide, dans la
salle d’égouttage.
-Le séchage par ventilation d’air sec sur les fromages va soustraire de 10 à 20%
de l’eau excédentaire. On utilise des ventilateurs et des extracteurs d’air
programmables dans la salle ou séchoir prévu à cet effet. Pour ne plus dépendre des
variations climatiques, des fromagers prévoient l’utilisation d’un séchoir hermétique
adapté à la production : une armoire aménagée, un couloir ou une pièce équipé d’un
groupe frigorifique.
-L’affinage : c’est la phase ultime de la fabrication, il développe la flaveur (goût
et arôme) et modèle la composition, l’aspect et la texture recherchés de la pâte. Les
principes de l’affinage sont :
- la perte d’humidité ;
- la désacidification de la pâte ;
- la dégradation des matières azotées (protéolyse) en éléments de base
(peptides, acides aminés) ;
-la transformation de la matière grasse (lipolyse) en acides gras (flaveur) ;
- le développement des levures et des moisissures produisant des
enzymes qui dégradent les constituants du caillé pour donner la texture
et le goût recherchés.
Les agents de l’affinage sont les enzymes de la présure et des microorganismes.
Les moisissures et les levures utiles se trouvent principalement en
surface car elles ont besoin d’oxygène pour se développer. Dans les locaux
d’affinage utilisés depuis un certain temps, il n’est pas utile d’ensemencer en
Penicillium. Par contre c’est une démarche active que doit avoir le fromager lors des
premiers affinages. Il faut alors ensemencer les fromages ou le local, souvent les
deux.
Les conditions d’affinage sont :
- une température entre 8 et 12°C pour la régulation des activités
enzymatiques ;
- une hygrométrie élevée (85 à 90%), plus la pâte est humide, plus le
fromage s’affine vite ;
- une bonne aération car l’oxygène est important pour le développement
de la flore utile et nocif à une certaine flore nuisible.
On peut résumer toutes ces étapes en deux schémas de fabrication suivant que
le fromager décide d’emprésurer une fois (tableau 11) ou deux fois par jour.
c) Exemples concrets de fabrication à coagulation lente.
Nous prenons comme exemple la fabrication de quatre des fromages les plus
connus :
 Crottin de Chavignol
-Opérations :Emprésurage 20-25°C ( Présure : 8-10mL/100L)
Caillage 16-48 h bassines
Pré-égouttage 2-8 h en toiles
Moulage Cuiller
Egouttage 24 h un retournement
Démoulage, Salage Sel fin sec, 2 faces
Séchage, Affinage 14°C, H : 90%, 15 jours à 1 mois
Croûtage Croûte moisie ou non. Moisissures blanches ou bleutées

Pouligny St
Pierre Selles sur Cher Picodon
-Opération : Emprésurage 25°C ( Présure : 5mL/100L)
Caillage 48 h pots en gré
Pré-égouttage 24 h moules en pyramide tronquée
Moulage Louche 
Egouttage 24 h sans retournement
Démoulage, salage Salage de la pâte + pincée de poudre noire végétale
Séchage, affinage 13-15°C, H : 80%, 3-4 semaines
Croutage Moisissures superficielles bleues et blanches
Selles sur Cher 
-Opération : Emprésurage 20-25°C (Présure 5mL/100L)
Caillage16-30 h bassines ou pots
Pré-égouttage : non
Moulage Louche
Egouttage 24 h sans retournement
Démoulage, salage Sel fin sec 2 faces
Séchage, affinage 15-18°C, H : 90%, 3 semaines
Croutage Croûte noircie à moisissures blanches et bleues
Picodon
-Opération : Emprésurage 21-23°C (Présure : 6-8mL/100L)
Caillage 20-30 h bassines
Pré-égouttage : non
Moulage Louche
Egouttage 24 h 1 ou 2 retournements
Démoulage, salage Sel fin sec 2 faces
Séchage, affinage 15-18°C, H : 85-95%, 15 jours à 1 mois
Croutage Moisissures blanches et bleues, parfois ferments du rouge
*H=hygrométrie.
Caillage de type présure
Cette fabrication offre des possibilités de diversification importantes dans la
production. Le caillé présure présente une imperméabilité et une fermeté typiques. Il
ne s’égoutte que faiblement. Son égouttage demandera d’ailleurs des actions
mécaniques. Le caillé caoutchouteux peut, à l’affinage, devenir une pâte,
d’onctueuse à ferme, suivant les techniques utilisées. Nous avons deux grands types
de fabrication présure [Corcy, 1991] :
-la fabrication mixte avec maturation et emprésurage à chaud (34-36°C).
C’est le cas pour le camembert de chèvre et la tome de Provence.
- la fabrication présure sans maturation pour les pâtes pressées, persillées
cuites ou demi-cuites.
a) Les phases de fabrication.
La maturation : pour la fabrication mixte type camembert, la maturation se fera
par un stockage du lait à 12-14°C pendant 12 heures (gain d’acidité de 4 à 8°D) avec
ensemencement de ferments. Pour la fabrication présure dominante, elle se fera
avec un stockage à 9-10°C pas ou très peu de maturation et un gain maximum
d’acidité de 1 à 2°D.
La coagulation : aux températures de 32 à 36°C, les quantités de présure
seront de :
- type camembert : 25 mL de présure au 1/10 000e ;
- présure dominant : de 30 à 40 mL de la même présure.
Le temps de coagulation très court ( ½ heure à 3 heures) nécessite de stopper
les mouvements de rotation dans les bassines dès l’emprésurage.
L’égouttage : différentes actions permettent l’exsudation du sérum
excédentaire. Tout d’abord, le découpage ou tranchage, à la fin de la coagulation, en
cubes ou en grains de 1 mm à 2 cm de côté, augmente la surface d ‘écoulement,
suivi d’un brassage pour faciliter encore l’exsudation du sérum. Ensuite le
délactosage permet de retarder et diminuer l’acidification pour conserver le caractère
présure. Pour cela, on remplace le sérum par de l’eau, diluant l’acide restant dans le
caillé découpé. Pour quantifier le délactosage, l’observation de la pâte s’impose. Un
goût neutre et un aspect collant signifient que le délactosage aura été trop important
alors qu’une pâte sèche et granuleuse signifient le contraire. L’acidification (type
camembert) dans un troisième temps, complètera l’égouttage en transformant le
caillé gélatineux eu caillé poreux. Pour les pâtes pressées, une légère acidification
au pressage favorisera la formation du fromage. Puis le chauffage du caillé découpé
avec le sérum sera effectué à une température variable, de 33 à 60°C. Le caillé des
pâtes demi-cuites sera chauffé de 33 à 43-45°C, en brassant pour répartir la chaleur.
 
Enfin, le pressage permet de former le fromage, d’évacuer le sérum et d’obtenir une
tenue suffisante pour qu’il puisse être salé et mis à l’affinage. Plusieurs systèmes
sont utilisés, allant du pressage simple avec un poids dans la faisselle, au pressage
multiple.
Le salage :
- type camembert : sel fin sur toutes les surfaces après démoulage, les
fromages resteront de 12 à 24 heures en salle d’égouttage à 18-22°C.
- pâte persillée (bleu) : gros sel par frottage et réintroduction du fromage
dans le moule pendant 24 heures. Puis de nouveau salage de moindre
quantité, avec un temps de séchage de 12 heures.
- pâte pressée : sel fin en surface ou dans la masse au pressage, ou en
saumure (le plus fréquent).
Le séchage :
- pâte molle type camembert : séchage similaire aux pâtes type lactique,
température 14-16°C et hygrométrie 65-70% ;
- pâtes pressées et persillées : il consiste en un stockage des fromages
sur grilles à 18-20°C pendant 24 heures.
L’affinage : il se pratique en cave ou dans une pièce spécialisée présentant les
caractéristiques suivantes :
Type camembert 8-12°C, 95-97%
Pâte persillée 4-8°C, 95-97%
Pâte pressée 10-14°C, 85-90%
 
Dans le cas de fromages à croûte non moisie, on favorisera le développement
bactérien soit par frottage, soit par lavage à l’eau pure ou salée. Pour les fromages à
moisissure externe, on se contentera de fréquents retournements en commençant
par les fromages les plus ensemencés. Quant aux fromages à moisissures internes,
on pratiquera un piquage leur apportant ainsi l’air nécessaire à leur développement.
b) Exemples concrets de fabrication à coagulation rapide. d’après Luquet, 1990.
Nous prenons ici pour exemples un fromage type de forme « camembert » et le
Persillé des Aravis fermier.

« Camembert » :
- Opérations : Réception du lait Pasteurisation : 65-72°C 15-30 secondes
Maturation longue 10-12°C 15-20 h ensemencement 2-4%
Ou Pré-maturation 24-29°C 1,5-2 h ensemencement 1,5-2,5%
Réchauffage 32-34°C ensemencement Penicillium candidum. CaCl2 : 0,1-0,2 g/L, Levain 2-3%
Emprésurage 33°C Présure : 14-16mL/100L, 45-50 minutes
Egouttage Découpage en cubes de 2,5 à 3,5 cm, Repos 30-50 minutes
Moulage A la poche en multimoule
Retournements Deux
Démoulage Le lendemain matin
 
Salage Soit à la main au sel fin Soit en saumure 30-40 minutes
Affinage, Séchage : 24 h ; H : 70-85% ; 12-14°C, Halage: 10-14 jours; H: 90-95%; 10-14°C
 
Persillé des Aravis fermier
 
- Opérations :Préparation du lait Lait cru entier dès la traite 
Emprésurage En chaudron, Présure : 15-20mL/100L, 28-30°C, 1 heure
Brassage, Lent avec brassoir en bois,5 minutes sans chauffage
Egouttage 24 h en sacs de toile suivi d’un repos de la pâte en baquet de bois de sapin 2jours, 15-20C
 
Broyage Emiettement de la pâte à la main 
Moulage Moules en bois de sapin, Léger tassement à la main 
Egouttage 3 jours, 15-20°C 
Démoulage, Affinage En grotte fraîche et humide 4 mois minimum pour l’apparition de veinage bleu


13/08/2011
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